Aujourd’hui en 2024, le constat est sans appel : l’utopie initiale d’Internet a été dévoyée1 2.
Par paresse ou orgueil, nous avons oublié toute frontière entre vie privée et vie publique dans le monde numérique. Nous avons laissé nos pensées se faire analyser par des algorithmes, et aujourd’hui des “intelligences artificielles”, qui ont pour objectifs de toujours mieux nous cibler, nous influencer, et finalement contrôler nos pensées, afin que nous achetions toujours plus les produits ou opinions des plus offrants, au travers des régies publicitaires telles que Google, Amazon, Facebook, Microsoft.
Les tentatives de régulation, provenant généralement d’une Europe qui ; au mieux par quelques convictions morales d’ingénieurs, au pire du fait d’une élite méprisant la technologie, n’a pas su développer et récolter la manne financière de telles régies ; sont condamnées à n’être que des pansements sur une jambe de bois.
Car si ces régies ont pu développer leur sinistre business, c’est justement parce que ce n’était que du business. Du sacro-saint business dont la sacro-sainte croissance se nourrit.
Elles n’ont rien inventé de nouveau depuis les premiers encarts publicitaires des journaux papiers. Elles ont seulement optimisé les processus, rationalisé les coûts, amélioré le ciblage, afin de produire toujours plus de bénéfices, et de nourrir encore et toujours la croissance.
A partir de là, nous voyons deux axes pour limiter les dégâts inéluctables de telles entreprises :
En poursuivant ces deux axes, la question de leur gouvernance et la notion des communs3 4 surgiront rapidement. Un troisième axe permettra alors de rendre la vision plus complète et cohérente :
Dès les premiers réseaux5, des hommes ont pensé et trouvé des solutions pour préserver la confidentialité des échanges au travers de réseaux ouverts.
Aux débuts d’Internet, c’est Phil Zimmermann6 qui a développé7 un logiciel de référence pour protéger la vie privée, puis ouvert ses spécifications8 afin qu’elles deviennent un standard de l’IETF9 : OpenPGP10. Depuis de nombreux informaticiens l’ont adopté, fait évoluer, ou ont crée des spécifications annexes11. Ainsi OpenPGP est aujourd’hui encore l’outil le plus abouti pour construire des espaces de vie privée.
Évidemment, ce genre de technologie, et OpenPGP en particulier, allait non seulement à l’encontre des volontés de surveillance de certains gouvernements, mais aussi et surtout à l’encontre du modèle économique des régies publicitaires qui se sont emparées d’Internet et ont financé ses “évolutions”. Aussi elles ont été et sont encore combattues, dénigrées, ou méprisées par les acteurs les plus puissants d’Internet.
Le premier objectif de foopgp est donc de construire pour ses membres des espaces de vie numérique privés, en démocratisant les usages d’OpenPGP.
Le système monétaire mis en place à la fin de la deuxième guerre mondiale12 a sans doute permis une ère globale de stabilité politique et de croissance économique, qui semble s’achever aujourd’hui avec les crises climatiques et géopolitiques globales.
Son équilibre était basé sur la croissance13, qui devait être sans fin, et satisfaire ainsi notre tentation, certains diront notre nature, à en vouloir toujours plus : plus de confort, plus de loisirs, plus de pouvoirs, plus de vitesse, etc.
Sauf que notre bonne vieille planète n’est qu’un petit caillou dans l’espace. Elle est finie et possède des limites14 que nous avons probablement déjà dépassées.
Ceux qui détiennent une licence bancaire15, possèdent un privilège comparable à ceux que la Révolution française a pu abolir.
Ce privilège leur donne, plus qu’aux autres, le pouvoir de décider ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas. En hiérarchisant selon des critères arbitraires les prêts et projets d’accès à la propriété, privée ou publique, immobilière ou entrepreneuriale.
De plus, il engendre une distorsion de la valeur monétaire en faveur de ceux dont les projets ont été placés en haut de la hiérarchie par le créateur monétaire16.
Ces deux conséquences se nourrissent l’une et l’autre et engendrent un cercle vicieux qui accroît les inégalités et qu’aucune politique de redistribution n’a pu résoudre :
Le second objectif de foopgp est donc de proposer un système économique plus résilient et plus juste, en abolissant tout privilège de création monétaire.
Citation Wikipedia au jour du 15 août 2024 :
Les communs sont des ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préserver et pérenniser ces ressources3 tout en fournissant aux membres de cette communauté la possibilité et le droit de les utiliser, voire, si la communauté le décide, en octroyant ce droit à tous. Ces ressources peuvent être naturelles (une forêt, une rivière), matérielles (une machine-outil, une maison, une centrale électrique) ou immatérielles (une connaissance , un logiciel).
Les communs impliquent que la propriété n'est pas conçue comme une appropriation ou une privatisation mais comme un usage 17, ce qui rejoint la notion de possession de Proudhon dans Qu'est-ce que la propriété ? . Hors de la propriété publique et de la propriété privée , les communs forment une troisième voie. Elinor Ostrom a obtenu un Prix Nobel d’économie pour ses travaux sur les biens communs . Elle parle de faisceaux de droits pour caractériser la propriété commune18.
Selon Benjamin Coriat , il ne faut pas confondre un « commun » avec un « bien commun ». Un bien commun est quelque chose qui appartient à tous mais qui n'est pas forcément géré comme un commun ; ainsi, « […] l’atmosphère appartient à tous. C’est un « bien commun », mais pour autant ce n’est pas un commun. Car, malgré les quelques réglementations mises en place, il n’y a pas de gouvernance permettant de gérer les effets de serre et les émissions de CO₂ » 19.
Les spécifications OpenPGP étant rédigées de façon ouverte et transparente grâce à l’IETF9, ce sont aussi des communs.
En appliquant une gouvernance inspirée de celles du logiciel libre20, notamment Debian21, le système monétaire proposé par foopgp sera aussi un commun.
Et nous voulons que la plupart des autres ressources produites ou gérées par la structure foopgp puissent être des communs à part entière.
Le troisième objectif de foopgp est donc de proposer un système de gouvernance plus juste et respectueux envers l’ensemble des sensibilités et singularités des membres, en s’inspirant de normes et lois qui se sont naturellement imposées dans les communautés du logiciel libre.
En essayant d’affaiblir l’individualisme, la surconsommation, et les violences qui en découlent ; le projet foopgp porte donc l’espoir de faire prospérer la cohésion sociale, le bonheur de vivre et la paix.
Partie suivante : Comment, fonctionnellement, nous atteindrons nos objectifs.
Internet développe une sous-culture de la médiocrité / Bruno Walther ↩︎
Impact des inégalités sur la croissance / Guillaume Allègre ↩︎
Les communs, quelles définitions, quels enjeux ? / Geneviève Azam ↩︎
Elinor Ostrom et les faisceaux de droits : l’ouverture d’un nouvel espace pour penser la propriété commune / Fabienne Orsi ↩︎
Le retour des communs, la crise de l'idéologie propriétaire, sous la direction de Benjamin Coriat ↩︎
Introduction aux modèles économiques et gouvernances des logiciels libres / G. Le Bouder, R.Semeteys ↩︎